Par Jean François Baudet
En savoir plus: Site de la mission du Lac La Biche
Les missionnaires du Lac La Biche ont joué un rôle central dans l’éducation des enfants des pionniers et des autochtones
Introduction
L’histoire de l’Alberta est marquée par l’arrivée des francophones, dont certains Bretons. La Mission des Oblats au Lac La Biche a joué un rôle crucial dans cette région, notamment à travers l’éducation des enfants. Dès sa fondation au milieu du XIXe siècle, cette mission est devenue un point de contact entre les colons pionniers et les peuples autochtones. Le présent article explore l’impact de cette mission, en particulier sur l’éducation, dans un contexte d’émigration des populations francophones au Canada, y compris celle des Bretons au début du XXe siècle.
La fondation de la Mission du Lac La Biche
La Mission du Lac La Biche, fondée en 1853, a été dirigée par les Oblats de Marie Immaculée. Ces missionnaires catholiques venaient principalement de France et jouaient un rôle important dans l’implantation de la foi chrétienne dans l’Ouest canadien. Ils visaient à évangéliser les peuples autochtones tout en soutenant les communautés pionnières francophones qui s’installaient progressivement dans la région. La mission servait à la fois de centre religieux, social et éducatif pour ces populations.
L’éducation des enfants des pionniers francophones
Dès l’arrivée des colons, les missionnaires se sont engagés dans l’éducation des enfants. Les familles pionnières francophones, dont plusieurs Bretons, voyaient en l’école un moyen de perpétuer leur langue, leur foi et leurs traditions. Dans un environnement anglophone croissant, l’éducation à la mission permettait de maintenir un lien fort avec la culture d’origine.
- Enseignement en français
Les Oblats dispensaient un enseignement principalement en français, offrant aux enfants des pionniers un espace pour apprendre à lire, écrire et compter dans leur langue maternelle. Cela était essentiel pour préserver la langue et l’identité culturelle francophones dans l’Alberta en pleine colonisation anglaise. - Éducation religieuse
La mission servait aussi à transmettre les valeurs chrétiennes. Les enfants participaient à la messe quotidienne, apprenaient les prières et recevaient les sacrements. Les Oblats considéraient cette éducation religieuse comme fondamentale pour former les futurs membres de la société chrétienne. - Formation pratique
En plus des matières académiques, les enfants recevaient une formation pratique. Les garçons étaient formés aux travaux agricoles, tandis que les filles apprenaient des compétences ménagères. Cette formation visait à préparer les jeunes à soutenir leurs familles dans la colonisation de terres difficiles.
Le contexte de l’émigration bretonne
Au début du XXe siècle, de nombreux Bretons ont quitté leur région natale pour s’installer au Canada, notamment en Alberta (voir: Gourin en Alberta). Ce mouvement migratoire s’expliquait par la recherche de nouvelles opportunités économiques et une volonté de préserver leur identité catholique dans un pays majoritairement anglophone. La Mission du Lac La Biche offrait un environnement favorable pour ces familles, car elle permettait à leurs enfants d’apprendre dans leur langue maternelle tout en s’intégrant dans la société canadienne.
Les Bretons qui se sont installés en Alberta ont trouvé dans cette mission un soutien essentiel. En plus de l’éducation, les Oblats offraient un espace où les familles pouvaient pratiquer leur foi et se réunir pour des événements religieux et sociaux. Cela a permis aux nouveaux arrivants de maintenir un lien fort avec leurs traditions culturelles et religieuses.
L’éducation des enfants autochtones
En parallèle, la Mission du Lac La Biche jouait un rôle controversé dans l’éducation des enfants autochtones. Comme dans d’autres missions catholiques du Canada, les Oblats participaient à l’exploitation des écoles résidentielles. Ces institutions avaient pour objectif de convertir les enfants autochtones au christianisme et de les assimiler à la culture euro-canadienne. Cependant, ces écoles sont aujourd’hui reconnues pour avoir infligé de graves traumatismes aux communautés autochtones.
- Assimilation culturelle
Les enfants autochtones étaient souvent séparés de leurs familles et envoyés dans des écoles où leur langue et leur culture étaient interdites. Les missionnaires les obligeaient à adopter les pratiques chrétiennes et européennes. Cette politique visait à effacer les identités culturelles autochtones et à les remplacer par des valeurs occidentales. - Enseignement académique et religieux
Les Oblats enseignaient aux enfants autochtones des matières académiques de base, comme la lecture et l’écriture, mais l’éducation religieuse occupait une place centrale. Les enfants étaient formés pour devenir des chrétiens fervents, ce qui, selon les missionnaires, contribuerait à leur “civilisation”. - Conséquences à long terme
Le système des écoles résidentielles a eu des effets dévastateurs sur les communautés autochtones. Les enfants qui y ont été envoyés ont souvent subi des abus physiques, émotionnels et spirituels. L’interdiction de parler leur langue maternelle et l’isolement de leurs familles ont contribué à une perte de repères culturels. Aujourd’hui, ces écoles sont largement reconnues comme un élément central du processus de colonisation qui a provoqué des traumatismes intergénérationnels chez les Premières Nations*.
Le double rôle des Oblats dans l’éducation
Les Oblats de Marie Immaculée, à la Mission du Lac La Biche, ont joué un double rôle dans l’éducation des enfants des pionniers et des autochtones. Pour les premiers, ils ont été des gardiens de la langue et de la foi, soutenant les familles dans leur intégration au Canada tout en leur permettant de conserver leurs racines culturelles. En revanche, pour les enfants autochtones, l’éducation offerte par les Oblats s’inscrivait dans un système colonial plus large visant à effacer leur identité.
Cette dualité reflète une tension présente dans l’histoire des missions catholiques au Canada. D’un côté, elles ont aidé les colons francophones à s’établir et à préserver leur culture dans un environnement anglophone. De l’autre, elles ont participé à des politiques d’assimilation destructrices envers les peuples autochtones.
Héritage et réconciliation
L’héritage de la Mission du Lac La Biche est complexe. Du côté des pionniers francophones, la mission a permis la préservation de la langue et de la foi catholique dans une région éloignée et majoritairement anglophone. Pour les Bretons émigrés en Alberta, la mission a représenté un point de rassemblement et de soutien, offrant à leurs enfants une éducation qui respectait leurs racines tout en leur permettant de s’adapter à la société canadienne.
Cependant, l’implication de la mission dans les écoles résidentielles laisse un héritage beaucoup plus sombre pour les communautés autochtones. Aujourd’hui, des efforts de réconciliation sont en cours pour reconnaître les torts causés par ces institutions et pour réparer les liens brisés avec les Premières Nations. Le Canada, à travers des initiatives comme la Commission de vérité et réconciliation, cherche à comprendre et à rectifier l’impact des missions sur les enfants autochtones.
Conclusion
La Mission du Lac La Biche, fondée par les Oblats, a joué un rôle essentiel dans l’éducation des enfants des pionniers francophones et des autochtones de la région. Si elle a été un lieu de préservation culturelle pour les colons, elle a aussi été un instrument d’assimilation pour les enfants autochtones, avec des conséquences profondes et durables. L’histoire de cette mission reflète les dynamiques complexes de la colonisation, de l’éducation et de la foi dans l’Ouest canadien, tout en illustrant la diversité des expériences vécues par les pionniers francophones, y compris les Bretons, et les peuples autochtones.
Voir aussi: Le rôle des Oblats dans l’émigration des Bretons
*Le Jour national de la vérité et de la réconciliation est célébré chaque année le 30 septembre au Canada. Il a été créé en 2021 pour honorer les survivants des pensionnats autochtones, leurs familles, et leurs communautés, tout en commémorant les enfants qui y ont perdu la vie. Cette journée vise à sensibiliser la population aux impacts du système des pensionnats et à encourager le dialogue sur la réconciliation entre les peuples autochtones et la société canadienne.
Le 30 septembre est également connu sous le nom de la Journée du chandail orange, un mouvement né en 2013, inspiré par l’histoire de Phyllis Webstad, une survivante des pensionnats autochtones. Elle raconte comment, lors de son arrivée dans une école résidentielle, son chandail orange, offert par sa grand-mère, lui avait été retiré, symbolisant la perte de son identité.
Cette journée est l’occasion de commémorer, d’éduquer et de soutenir les efforts pour reconnaître les torts causés aux peuples autochtones dans le cadre de la colonisation.
Le père Lacombe
Au Lac La Biche, le père Lacombe a joué un rôle significatif en tant que missionnaire. Il a établi une mission à cet endroit en 1860, où il a œuvré principalement pour l’évangélisation des populations autochtones, notamment les Cris et les Métis. Lacombe a également contribué à l’éducation et à la formation des jeunes autochtones en créant des écoles.
Son approche était souvent respectueuse des cultures locales, et il s’est efforcé de créer des ponts entre les colonisateurs et les communautés autochtones.
En plus de son travail religieux, il a également joué un rôle dans le développement social et économique de la région, facilitant l’établissement de colonies et d’activités agricoles.
Son impact à Lac La Biche demeure une partie importante de son héritage dans l’histoire de l’Alberta.
Le père Lacombe a également contribué au développement de la francophonie dans toute la province de l’Alberta et notamment à Saint-Albert (Ville mitoyenne à Edmonton) qui a gardé son caractère culturel.
Première chapelle édifiée à Saint-Albert par le père Lacombe, église de Saint-Albert et la maisons de retraite des frères à Saint-Albert. Voir aussi l’élévateur à grain de Saint-Albert
Lire aussi: Le musée du Lac La Biche
- Avant que j’oublie…sur les Ulliac de Gourin-City (Alberta)
- Le Télégramme du 16 octobre 2024 – édition Pontivy.
- Une délégation française découvre l’héritage breton de la région de Lac La Biche
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- Les Oblats ont joué un rôle important pour les émigrants de Bretagne
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